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Regards sur Haïti

2 juillet 2004

«ils [les chefs d’Etat africains] forment un club et soutiennent les uns les autres »

 

Le Président Mbeki avait consacré un accueil digne d'un chef d'Etat en fonction à l'ancien président Jean Bertrand Aristide. Plusieurs observateurs haïtiens n'en croyaient pas leur yeux et ils n'ont pas manqué de s'interroger sur le geste décalé de Thabo Mbeki. Mgr Puis Ncube, archevêque catholique de Bulawayo (Zimbabwe) dans son interview au journal Le Monde (jeudi 1er juillet 2004 p. 4) sur la situation politique dans son pays apporte un élément de réponse qui me semble utile de diffuser :

« …Mugabe a pour lui tous les chefs d'Etat africains. Ils forment un club et se soutiennent les uns les autres. Ils ne font jamais rien. Il y a eu le Rwanda, ils n'ont rien fait, des millions de morts en République démocratique du Congo, ils n'ont rien fait. Il a des milliers de déplacés au Darfour, ils ne font rien. Ils sont juste là pour se serrer les coudes et se moquent des souffrances des peuples. Tout ce qui importe, c'est le pouvoir… »

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21 juin 2004

Affrontement noir et blanc sur Haïti La crise

Affrontement noir et blanc sur Haïti

La crise politique qui a abouti le 29 février au renversement de Jean Bertrand Aristide n'a pas laissé indifférent les internautes de toute origine. Dans les lignes qui suivent vous trouverez des échanges passionnés sur Haïti, mais au delà de la situation haïtienne, ces échanges montrent la difficulté d'avoir un débat serein entre Noirs et Blancs sur la situation des pays du Tiers-Monde. Le débat tombe souvent dans le ridicule ou même le racisme. Jugez vous-mêmes, c'était sur Afrikara.com.

Sujet:  Le problem Noir – Haitien

Auteur: Pat from California (---.dsl.pltn13.pacbell.net

20/02/2004 18:01

Haiti - Premiere Republique Noir.
Le Billan: Apres 200 ans d'independance, Haiti rest toujour un pays sous- developpe,un pays desorganise, un pays qui ne peut pas se developper. Nous pouvons accuser l'occident d'avoir detruit ce pays come on veux. Mais le bilan est deplorable.
Pouvons nous conclure que les noirs sont bon a rien? Ou alors c'est un cas de mal chance? Ou alors un cas de voudou? de black magic?
Regardez a l'afrique, Cuba, Colombie, Brasil, Panama tous pays a forte concentration noir. Les antilles (Martinique et les autres iles).
Les noirs peut import le continent, ont les meme caracteristiques:
Music, femme, boison. Regardez a la tele dans vos pays. C'est de la musique a longer de journee, les mecs courent apres les femmes, et boivent (beers,champage, etc....)

Sujet:  Re: Le problem Noir – Haitien

loup-garou blanc (---.univ-lr.fr)

27/02/2004 11:16

Oui enfin il est normal que dans un pays aussi raciste et leucophobe que haiti(ds haiti il y a hai),qui pourchasse tt ce qui est métis,il y ait sous-développement.ce n'est pas en trouvant des"juifs"(bouc-émissaires)que l'on peut progresser,au contraire on régresse au stade tribal comme en Afrique.

Sujet:  Re: Le problem Noir – Haitien

malcom x (---.w81-249.abo.wanadoo.f

28/02/2004 15:48

petite rectification pour les deux ignorants dont mon cher amis loup garou blanc :

les noirs ont inventez a peu près tout ce qui se trouve sur cette terre: ex : richards spikes a inventez les vitesses automatiques pour les voitures, oscar brown a inventé le fer a cheval, loyd ray a inventez les bacs a ordure (poubelles),...etc

TROP DE CHOSES POUR VOTRE PETIT CERVEAU !!!!!!!!!!!!!!

Sujet:  Re: Le problem Noir - Haitien

loup blanc (193.48.226.---)

28/02/2004 18:27

moi j'aimerais que les seigneurs des ténèbres(lol)inventent un médicament pour perdre de la couleur,y'aurait moins de racistes sur cette planète.

Sujet:  Re: Le problem Noir – Haitien

Pat from <?xml:namespace prefix = st1 ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:smarttags" />California (---.dsl.pltn13.pacbell.net

29/02/2004 20:05

malcom X
C'est deplorable que tu n'as rien a dire sur le problem Haitien en particulier ou the problem noir en generale.
Apres 200 ans d'independence la premiere republique Noire est se chereche toujour. Comment disait Rene C. "L'afrique est mal parti" Je dirais : les noirs dancent du tango - un pas en avant deux pas en arriere.

Sujet:  Re: Le problem Noir - Haitien

malcom x (---.w81-249.abo.wanadoo.)

01/03/2004 20:23

mr california !
sache sur le probleme haitiens que c un pays comme tous les autres republiques noirs controler par les américains ou les francais !
tu ne me crois pas ou tu doute de ce que je dit ?
Alors explique moi pourkoi aristide qui est venu au pouvoir en 1990-91 est victime d'un coup d'etat, et se refugie au ETATS UNIS !!!!
mais ce n'est pas tout,, en 1994, il revient au pouvoir grace a l'aide d'une certaine force armée qui n'est autres, comme part hasard que les ETATS UNIS !!!!
trouve une reponse a ca et prouve moi par A+B que c pas les occidentaux qui controle haiti ?

Sujet:  Re: Le problem Noir – Haitien

Pat from California (---.dsl.pltn13.pacbell.net)


Les Noirs sont bon a rien. Pendant 200 ans ils ne peuvent pas s'auto gouverner. A qui la faute? Hhhmmmmm!
Oui les US ont souves la peaux de ce fillou -Aristide-pendant longtemp et qu'a fait la France? Comme toujours la France c'est assise sur son derriere et se plaindre de tout et de rien.
Pendant longtemps les US on finacier les elections presidentielles en Haiti. Sans les US Haiti serait plus pauvre. Ou etait la France et les "soi disant democracy " africaine pour aider Haiti? HHmmmm!
Malcom , le problem Haitien illustre tres bien pourquoi l'afrique Noir sera toujour sous-developpee. C'est la dance du Tango - Un pas en avant, deux pas en arriere. Essay de dancer tu veras de quoi je parle.

Sujet:  Re: Le problem Noir – Haitien

malcom x (---.w81-249.abo.wanadoo.)

03/03/2004 18:22

eh dit pas n'importe koi quand tu n'est pas instrui sur le peuple noi !
et a vrai dire je ne pense pas ke tu soit noir mais une personne ki essaie de mettre le desordre entre nous les noirs !!!!
j'aurais juste une chose a te dire...les occidentaux nous on diviser, on a connu au 7ème siècle l'esclavage trans-sahariens ou les arabes nous mettaient en esclavage jusqu'au 15ème siècle ! meme pas un peu de repos que les blancs enchaine et nous mette en esclavage jusqu'au 19ème siècle ! meme pas de repos que c meme blancs nous colonise et pille nos richessses minières et agricoles ! et maintenant vient la mondialisation qui ne connait ke la raison du plus puissant, mais sur tu lit avant, tu te rend compte que cela a été fait exprès pour ne pas ke l'on est un poid economik !
alors excuse moi ! si on est diviser aujourd'hui c kil y a une raison, et ne va pas la chercher chez les noirs mais chez les blancs !!!!

merci et lit plus de livre !!!!

Sujet:  Re: Le problem Noir – Haitien

Pat from California (---.dsl.pltn13.pacbell.net)

ha hahahaha
C'est tres facile d'accuser les autres pour noter stupidite. Les arabes, les blancs, les rouge, les verts... nous ont vendu. Et qui nous a force a vendre no frere et soeur noir? HHmmmm!
Tu veux me dire que les noires sont des idiots au point ou il ne peuent pas comprendre que vendre son frere au marche, c'est pas un bon coix, ou alors que c'est imorale et qu'ils puissent arreter? Hmmmmm!
Tu confirm ce que j'ai dis au depart.: les noirs sont bon a rien.
Apres 200 ans d'independace ils ne peuvent pas s'auto-gourverner. Haiti plus de 20 coup d'Etat en 200 ans d'independance. Wow un bilan tres positif. L'economie, l'education et la sante sont tous "voudou development" non existant.
Il ya quelques annees. les US fesait fabriquer les batons de baseball en haiti. Mais aujourd'hui tout c'est evapore - "voudou economic" . Il ya eu d'autres investiissemnt fait par les US.
Qu'on fait les pays africain ? Hmmmm! Rien . Non , sacheter des grosses bagnioles, courire apres les femmes et boire .

Sujet:  Re: Le problem Noir – Haitien

malcom x (---.w81-248.abo.wanadoo.)

04/03/2004 17:21

ok ben pense se que tu nveut mais tu ne me fera pas changez d'avis sur toi et ta non appartenance au peuple noir !!!
tu est un blanc qui essaie de semer la discorde parmi nous et tu ne connais rien a l'histoire des noirs, alors lit anta diop ou d'autres ecrivain !

slt mec je te laisse bouquiner...

Sujet:  Re: Le problem Noir – Haitien

Lafrikain (---.dial.proxad.net)

05/03/2004 09:35

Holà! Je veux juste m'insérer dans votre discussion, si vous le permettez. Je ne pense pas que ce soit l'endroit pour nous quereller, mais pour échanger des idées. J'ai entendu dire que les "Noirs avaient souffert" de l'esclavage et de toute autre forme de discrimation. Ce qui a forcément laissé des traces et des cicatrices. J'ai entendu dire que les "Noirs ne sont bons à rien", si on regarde l'état d'avancée de leurs pays. Bref! L'histoire a laissé un passé lourd de conséquences, certes. Nous n'y pouvons rien changer. Par contre, il nous reste la possibilité de changer les choses en modifiant nos comportements. Par exemple : il est vrai que lorsqu'on réussit, on aime montrer nos grosses voitures, nos femmes, nos maisons, on aime danser... C'est aussi à nous de casser ces images. Lorsque vous rencontrez une personne de culture différente, c'est à travers la culture que vous représentez qu'elle vous juge. Combien de fois m'a-t-on dit d'aller travailler en banlieue alors que je cherchais un poste en entreprise, parce que les médiateurs sont des Noirs ou des arabes? Combien de fois on m'a demandé de danser, parce que j'étais supposé bien danser "comme tous les noirs"? Je pense que Pat tu es trop dur quand tu dis que les Noirs ne sont bons à rien. Ca n'est pas génétique ni naturel. La preuve c'est que si c'était vrai aucun noir ne réussirait dans sa vie et dans aucun pays. Or ce n'est pas le cas. Donc le problème est ailleurs. Je pense fortement que nous devons changer nos comportements :
- être un peu plus discret comme les asiatiques mais efficaces (regardez le 11è arr à Paris, le 13è)
- arrêter d'être le black "cool", "non-stress", "bon danseur", "bon baiseur", "bon musicien", "bon ambianceur"...
- bien connaître son histoire sans être rancunier : ce qui permet de remettre les choses et les préjugés à leur place; et aussi de demander réparation
Voilà les gars! bossez seulement et faites gaffe à ce que vous dites! Si on gagne du respect on aura fait un grand pas

19 juin 2004

Le pouvoir est un gâteau à partager

Les partis politiques qui se sont multipliés au lendemain du départ de Jean Claude Duvalier se sont positionnés dans la nouvelle arène politique en fonction de clivages idéologiques, de conflits de personnes ou de la fracture entre résistants de l'intérieur et exilés. Cependant, ils se rejoignent presque tous autour d'un seul point commun : la finalité de l'action politique. Les partis sont en réalité des regroupements d'élites en quête de position de puissance et d'influence dans le gouvernement et dans l'administration publique.

 

Pour la majorité des acteurs politiques haïtiens, la politique n'est pas un outil pour servir le peuple et l'Etat, elle est un moyen d'accéder aux fonctions clés qui permettront de participer à la prise de décision, au partage du « gâteau » que représentent les deniers de l'Etat, à l'obtention de prêts bancaires avantageux ou de licences commerciales et au droit de placer des proches dans la fonction publique. Donc la recherche de l'argent facile et de satisfactions personnelles constitue la motivation fondamentale pour se lancer dans la politique. Comme le soulignait déjà T. R. Kanza en 1968 dans le cas du Congo « la politique n'est plus un moyen d'accéder au pouvoir pour servir le peuple et l'Etat, c'est un moyen rapide pour devenir riche. Et comme cette profession ne semble requérir qu'une formation intellectuelle minimale, le nombre des politiciens professionnels est en constante augmentation… »

Chaque équipe qui accède au pouvoir considère que c'est son jour de chance et comme la chance ne dure qu'un temps, il faut poursuivre deux objectifs majeurs. Il s'agira d'installer un contrôle total sur la société grâce à la poigne d'un chef tyrannique pour prolonger au maximum la maîtrise du pouvoir et s'enivrer, se gaver des bénéfices tirés. Ainsi la politique n'est qu'une activité commerciale comme une autre.

Les députés et sénateurs de la dernière législature ont appliqué ce principe jusqu'à la caricature. Les premières séances des deux chambres furent consacrées, non pas aux problèmes urgents du pays, mais à l'augmentation du salaire des députés et sénateurs. Et pire, comme ces parlementaires n'avaient pas encore obtenu la livraison des voitures de fonction réclamées du gouvernement, ils ont décidé de bouder les séances dans les deux chambres.

A tous les niveaux du pouvoir et de l'administration, au niveau local comme au niveau national, ces spécialistes de la politique savent dénicher les avantages pour en profiter eux-mêmes ou pour en distribuer à leur réseau de clients. La politique a toujours été en Haïti un tremplin social et économique pour les individus qui ont intégré les sphères du pouvoir. C'est même une pratique intégrée dans la culture locale au point où l'oiseau rare qui ferait de la politique honnêtement sans afficher des signes extérieurs de richesse serait considéré comme un idiot pour ne pas dire pire. Ou alors, on le soupçonnera de bien cacher son jeu et d'attendre le moment opportun pour profiter de la fortune accumulée.

En général, la politique est prisée par les rares individus qui arrivent à échapper aux griffes de la pauvreté et par la classe moyenne. De multiples raisons expliquent leur pratique de la politique-business, les souvenirs frais des périodes de privation pendant leur jeunesse et les humiliations subies auprès d'une bourgeoisie, souvent mulâtre, méprisante et prête à profiter de la première occasion venue pour humilier les « gens du peuple ». Tous ces mauvais souvenirs créent chez l'individu une crainte maladive du retour à la misère, ce qui le pousse à accumuler une fortune aux dépens de l'intérêt général. Un autre facteur qui peut expliquer cette attitude est la crise politique permanente. L'individu ne sait jamais si demain il sera encore à son poste, donc chaque jour passé dans la fonction est une opportunité qui lui est offerte pour fructifier son compte en banque. Le nombre de postes à pourvoir étant limités et les aspirants se bousculant en nombre, la compétition est d'une intensité et d'une violence rares.

La pression de la compétition est si forte qu'elle explose même à l'intérieur des partis. L'intensité et la fréquence des conflits rendent toute coalition éphémère voire impossible et l'éclatement des partis est chose courante. Ainsi la belle coalition autour de Jean Bertrand Aristide au sein du Front National pour le Changement et la Démocratie (FNCD) n'a duré que le temps de la victoire aux élections de 1990. La bonne entente entre l'Organisation Politique Lavalas (devenue après la division Organisation du Peuple en Lutte) et divers partisans d'Aristide a explosé aussi tôt qu'il était question de distribuer des postes ministériels. Quant aux coalitions de l'opposition, elles ne sont fortes que quand la perspective d'arriver au pouvoir est lointaine. Les coalitions et autres « convergences politiques » explosent rapidement dès lors qu'apparaît un espoir d'accéder au pouvoir. La Convergence démocratique, regroupement de l'opposition haïtienne, a ainsi connu des moments de tensions extrêmes et certains partis de la coalition ont choisi de partir pour former d'autres regroupements tout aussi fragiles. La Convergence n'a pas explosé plus tôt uniquement parce que Jean Bertrand Aristide, l'ennemi commun, représentait le ciment qui les unissait.

Ce goût pour le pouvoir-business explique pourquoi en Haïti un parti politique est avant tout une affaire de famille. C'est une petite entreprise familiale dans laquelle Monsieur occupe le poste de président ou de secrétaire général et Madame est adjointe ou à défaut le frère ou un cousin.

La démocratie des « grands mangeurs »

La classe politique haïtienne s'est tellement adonnée à cette lutte pour le partage des deniers publics que la population dans sa grande sagesse a préféré s'en moquer en leur appliquant l'épithète peu glorieux de « grands mangeurs », c'est-à-dire des gens dotés d'un appétit insatiable pour l'argent.

La population s'en amuse mais elle a aussi intégré le principe à un point tel que la politique-business a gangrené les structures de la société. L'équipe au pouvoir bénéficie d'un net avantage, il dispose de sommes colossales pour entretenir un réseau de clients capable de lui apporter un soutien, de l'informer des plans de l'ennemi et de manifester dans les rues si le besoin se fait sentir. Mais les rivaux aussi ont accès à un certain nombre de ressources. Elles sont certes plus limitées, mais suffisantes pour s'assurer le soutien d'une petite base qui pourra toujours espérer de meilleures rentes quand arrivera leur tour d'occuper le pouvoir. Les leaders de l'opposition peuvent bénéficier de l'appui d'organismes internationaux et les militants peuvent toujours espérer une occasion en or pour demander l'asile politique dans des pays où autrement ils n'auraient pas accès.

La démocratie impossible

Dans un contexte pareil, il est inutile de démontrer que l'instauration d'une démocratie réelle n'est pas pour demain, ou alors ce sera une démocratie sans démocrates si un tel cas de figure est possible.

18 juin 2004

1990 - 2004 : De la lutte pour la démocratie à la dictature tropicale.

Avec l'effondrement de la maison lavalas, ce sont des rêves de démocratie et l'espérance d'un lendemain meilleur pour Haïti qui s'effondrent, tant les espoirs placés en Jean-Bertrand Aristide étaient énormes. Surpris par la dérive de cet homme d'église, beaucoup d'Haïtiens se demandent si l'ancien prêtre a troqué la soutane pour le costume du dictateur tropical sous l'influence du pouvoir et de son entourage ou au contraire si Aristide est un imposteur qui a réussi à cacher son jeu.

 

Dès qu'il s'agit de comprendre la dérive d'un régime en Haïti, l'approche qui l'emporte est celle de la responsabilité unique d'un individu. L'explication est commode, surtout pour ceux qui sont amenés, à prendre le contrôle du pouvoir. En effet si le système est perverti par un homme, il suffit de remplacer cet homme pour que tout rentre dans l'ordre ; de plus cette approche a l'avantage de faire l'économie de toute réflexion sur les structures mêmes de la société. Michel-Rolph Trouillot dénonçait déjà en 1986 les limites d'une telle vision. Dans Les racines histoiriques de l'Etat duvaliérien, il invitait les Haïtiens à prendre « le parti-pris de la lucidité » après le départ de Jean Claude Duvalier c'est-à-dire d'aller au-delà des causes conjoncturelles pour comprendre pourquoi la société haïtienne ne cesse de reproduire des chefs tyranniques.

Son message hélas n'a pas été retenu. Le pays débarrassé de Duvalier, les intellectuels et les hommes politiques haïtiens se sont contentés de s'attaquer à des problèmes conjoncturels en dépensant leur énergie dans la chasse aux macoutes et dans la recherche de position politique.

Ainsi en 1990, l'idée de présenter la candidature du prêtre « rouge » de Saint Jean Bosco à la présidence de la République a été une tentative de courants issus de la gauche haïtienne pour barrer la route à la candidature de certains duvaliéristes notoires et au candidat néolibéral soutenu par Washington, Marc Bazin. Jean Bertrand Aristide représentait aux yeux de la petite couche intellectuelle de gauche, l'homme providentiel. Le personnage était tellement populaire à l'époque qu'il était quasiment impossible de l'empêcher de gagner les élections, sauf à reproduire le bain de sang de 1987.

Le projet de lancer Jean Bertrand Aristide dans l'arène politique ne date pas de 1990. L'homme est une figure emblématique de la lutte contre la dictature des Duvalier et des régimes militaires qui se sont succédés de 1986 à 1989. Au péril de sa vie, il a utilisé l'autel de l'Eglise catholique, en dépit des mises en garde de la hiérarchie et de ses multiples tentatives pour le réduire au silence, pour dénoncer les exactions du pouvoir, la misère de la population et les interventions des Etats-Unis dans les affaires haïtiennes. Grâce à son combat, sa pugnacité et son discours juste, il a acquis une grande popularité auprès de la classe moyenne et des populations des bidonvilles. En revanche, pour les mêmes raisons, il représentait aux yeux de la bourgeoisie traditionnelle et des Américains un sérieux danger.

Déjà en 1986, certains dans son entourage évoquaient timidement la perspective d'un gouvernement provisoire dirigé par Jean Bertrand Aristide. Selon Jean Dominique, journaliste proche du mouvement lavalas, l'idée était encore revenue après le départ du pouvoir du Général Prosper Avril. Certains militants avaient avancé une proposition de présidence provisoire de Jean Bertrand Aristide fpour faire échec à la formule prévue par la Constitution de 1987 c'est-à-dire une présidence provisoire assuré par le président de la Cour de cassation.

C'est donc une idée qui germait depuis très longtemps qui aboutit en 1990 à l'élection du prêtre catholique Jean Bertrand Aristide à la présidence de la République d'Haïti. Le mouvement lavalassien tout en avançant avec courage et détermination doutait de sa capacité à prendre le pouvoir dans un pays où trop souvent le choix des dirigeants haïtiens se décide à Washington.

« L'improvisation lavalas »

Le mouvement Lavalas originel, celui de 1990, était un formidable regroupement populaire qui réclamait comme principes : justice, transparence, et participation, ce que les lavalassiens de l'époque appelaient les « 3 ròch dife » du mouvement, en référence aux trois grosses pierres utilisées par la pauvre ménagère dans la campagne haïtienne pour faire bouillir sa marmite. Lavalas fédérait autour de Jean Bertrand Aristide nombre d'intellectuels de gauche qui croyaient enfin avoir trouvé la formule pour sortir Haïti de l'impasse. Mais plus d'un doutaient d'une victoire d'Aristide. Ils savaient que Washington ne tolèrerait jamais l'accession d'un prêtre « rouge » et farouchement anti-américain au pouvoir en Haïti. Mais c'est « la chance à prendre » (tire du programme du candidat Aristide). La victoire de Jean Bertrand Aristide surprend tout le monde, les Américains ont laissé faire après avoir tenté de négocier un retrait de la candidature du prêtre. C'est « la chance qui passe » (titre du premier programme de gouvernement).

La surprise est si grande que Lavalas doit improviser rapidement pour prendre le contrôle effectif du pouvoir. Jean Dominique a relevé en 1994 dans le numéro de juillet de la revue Chemins critiques les faiblesses de ce qu'il appelle « l'improvisation lavalas » : une trop grande place occupée par l'improvisation, des décisions prises à la hâte, des cabinets ministériels formés à la va-vite, des changements de direction sans raisons apparentes, des luttes d'influence ouvertes et des luttes d'intérêt…

Très vite, Lavalas commence a donné des signes d'incapacité à gérer le pouvoir et à faire face à ses contradictions internes. Les personnages gravitant autour d'Aristide viennent tous de la gauche voir de l'extrême gauche haïtien. Nourris de théories communistes, marxistes souvent mal digérées, ils se montrent incapable de prendre en compte la nouvelle donne géopolitique mondiale. Au lieu de s'attaquer aux problèmes réelles et urgents du pays, ils s'aventurent vers des dérives pseudo-révolutionnaires. Le pouvoir et ses partisans lancent une chasse aux macoutes dans l'administration publique, le président de la république multiplie les visites surprises dans les administrations publiques, il nomme et révoque des fonctionnaires à chacune de ces descentes surprises. Les lavalassiens se montrent méfiants envers toute structure et s'aventure vers un fonctionnement informel.

Jean Bertrand Aristide avait fixé trois règles d'embauche dans l'administration publique : la compétence, l'honnête et la militance. Cependant, sous la pression des groupes d'activistes cette règle devient vite caduque. La militance l'emporte très vite sur l'honnêteté et la compétence ; le copinage et le clientélisme s'installent partout dans les organes du pouvoir. Des groupes d'activistes se disant autorisés par le Palais National bloquent les activités de fonctionnaires compétents.

Le président de la division

D'un autre côté le nouveau président de la République n'a pas eu l'intelligence de s'imposer rapidement comme un rassembleur, comme le président de l'ensemble des Haïtiens. Au contraire, il continue à reproduire le même discours manichéen opposant les riches aux pauvres, les gens d'en haut aux gens d'en bas. Cette approche va imprégner l'ensemble du mouvement politique. Lavals se montrera indifférent envers ses alliés notamment le Front National pour le Changement et la Démocratie (FNCD) qui avait offert l'étiquette politique à Jean Bertrand Aristide pour se présenter aux élections. Il se révèlera incapable de négocier des alliances sociales pour s'assurer un appui solide dans l'exercice du pouvoir.

Le discours de la division atteindra son paroxysme à travers des déclarations à l'emporte pièce de Jean Bertrand Aristide demandant aux pauvres de regarder les beaux châteaux des riches dans les montagnes quand ils ont faim ou alors son désormais tristement célèbre discours dans lequel il encense la supplice du collier, le fameux « père Lebrun », pneu enflammé mis autour du cou des macoutes.

Dans l'entourage d'Aristide, certains esprits réfléchis commenceront à s'inquiéter de ces dérives. Mais ils constateront vite que Aristide n'est pas homme à écouter les conseils ou à se laisser guider. Beaucoup d'intellectuels qui gravitaient autour d'Aristide croyaient naïvement qu'ils pourraient appliquer une politique de doublure, autrement dit Jean Bertrand Aristide se laisserait guider par ces hommes d'esprit dans l'exercice du pouvoir. Mais nos intellectuels ont trop vite oublié l'histoire d'Haïti. Comme le président Soulouque, Aristide saura se conduire en chef.

Un mépris inné pour la démocratie qui ne peut être que « bourgeoise »

Jean Bertrand Aristide est issu d'un courant de gauche marxisant farouchement opposé aux « structures bourgeoises » de la démocratie et très attiré par l'expérience cubaine. Franchement anti-américaine, ce courant croira trouver un modèle dans tous les dirigeants anti-américains du monde, du colonel Kadhafi à Fidel Castro. Il se montrera incapable d'intégrer les bouleversements intervenus avec la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide. Fort de cette culture, Jean Bertrand Aristide a toujours dénoncé tous les outils de la « démocratie bourgeoise ». Ainsi en 1987, il fera campagne contre la Constitution de 1987 qu'il considèrera comme un piège bourgeois et dans la même lignée il dénoncera les élections de la même année. Pour Jean Bertrand Aristide, les élections sont un piège sur la route de l'émancipation du peuple, il n'hésitera pas à qualifier les élections de « pèpè », de « eleksyon malatyon ».

 

(A suivre)

17 juin 2004

faut-il donner des cours d’arithmétique à nos journalistes ?

La presse haïtienne regorge de gens courageux qui exercent une profession dans des conditions difficiles et dangereuses. Cependant, cette presse souffre des mêmes maux que la société haïtienne. La plupart des journalistes sont incapables de mener une analyse dépassionnée, ils sont incapables de prendre du recul par rapport à la situation pour produire une information digne d'être prise au sérieux.

La presse haïtienne n'arrive pas à se débarrasser de sa posture de presse militante qui était acceptable dans la lutte contre la dictature des Duvalier, mais qui est moins compréhensible dans le contexte actuel. Il y a dans la plupart des analyses des petites phrases qui trahissent toujours les auteurs d'une analyse sur la situation politique.

Ainsi dans l'éditorial de Haïti en Marche du 14 juin intitulée « Haïti – crise, la Caricom maintient l'épée de Damoclès », on sent que l'auteur a une forte sympathie pour la position de la Caricom dans la crise haïtienne. C'est son droit, mais doit-il se laisser emporter au point de faire douter de la valeur de son analyse ?

Il n'y a aucun problème à avoir de la sympathie pour une cause et à la limite c'est même très bien d'avoir un point vue différent des positions traditionnelles des médias haïtiens. Cependant quand on lit le paragraphe ci-dessous, on a tout de suite envie de mettre fin à la lecture. Cet analyste ne sait-il pas compter ou se laisse-t-il aveugler par sa cause ?

HAITI-CRISE, La CARICOM maintient l'épée de Damoclès  

(…)

Alors elles [les pays de la Caricom] se sont tournées vers l'Organisation des Etats Américains, où la Communauté caraïbe compte 15 membres sur 34. Donc une confortable "majorité." Et en prenant appui sur ce fameux article 20 de la Charte Démocratique Interaméricaine. Adopté en 2001, ledit article n'a encore jamais été appliqué. Il appelle à une "évaluation collective d'un pays membre en cas d'altérations du système constitutionnel qui mettent en danger l'ordre démocratique."

(…)

15 sur 34 est une confortable majorité ? D'accord, désormais la majorité correspond à la moitié moins 4.

Le progrès fait rage.

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5 juin 2004

Lavalas parti politique ou repère de trafiquants de drogue?

Depuis la chute du régime, les services de lutte contre le trafic de drogue américain (DEA) et la police haïtienne procède à un véritable nettoyage en Haïti dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Tout se passe comme si les Américains attendaient le départ de JB Aristide pour vider Haïti de ses grands trafiquants de drogue qui avaient pignon sur rue. les arrestations se multiplient parmi les proches de l'ancien président Jean Bertrand Aristide soupçonnés d'être impliqués dans le trafic de drogue. Ainsi, l'ancien président du Sénat, Jean Marie Fourel Célestin, Sénateur de Jacmel s'est résigné à se rendre aux autorités américaines, il a été transféré dans un centre pénitencier de Miami. Monsieur Célestin est considéré comme "le fidèle des fidèles" de Jean Bertrand Aristide. En République dominicaine, Hermionne Léonard, ancien chef de la police de Port-au-Prince a trouvé son arrestation pour les mêmes motifs. Hermionne Léonard qui a fait preuve d'une zèle sans borne pour défendre le régime de JB Aristide a été cité à plusieurs reprise par d'anciens partisans du régimes tombés en disgrâce comme un chef d'escadrons de la mort.

Jean Nesly Lucien, un ex-directeur général de la police haïtienne du président déchu, a été interpellé le 26 mai à Miami. Lors de son passage à la tête de police haïtienne, monsieur Lucien s'est illustré par la défense et la libération de plusieurs policiers suspectés d'être impliqués dans le  trafic de drogue. le même jour, l'ex-responsable du Bureau de lutte contre le trafic des stupéfiants (BLTS) sous le gouvernement d'Aristide, Evens Brillant, était expulsé vers les Etats-Unis, après avoir été interpellé par la force multinationale intérimaire (Etats-Unis, France, Canada, Chili).

Juste après le départ de l'ex-président pour l'exil, le chef de la sécurité présidentielle, Oriel Jean, a été interpelé au Canada avant d'être expulsé vers les Etats-Unis, il nie pour le moment toute implication dans le trafic de stupéfiant. Rudy Therassan, ancine haut gradé de la Police Nationale est incarcéré à Miami pour les mêmes motifs depuis le 14 mai.

A la fin du mois de  février, juste avant le départ précipité de Jean Bertrand Aristide d'Haïti, Jacques Beaudoin Ketant, un trafiquant de drogue figurant sur la liste des personnes les plus recherchés par le FBI,  avait accusé l'ancien président d'être étroitement mêlé au trafic de drogue international. Ketant qui a été remis aux Américains par le gouvernement d'Aristide a toujours considéré son arrestation comme une trahison de ses compères.

La justice américaine cherche-t-elle à reconstruire le réseau qui amènerait directement à l'ancien président? Pour le moment, les autorités judiciaires américaines se garde de répondre à cette question. Cependant, il est intéressant de constater que l'ancien président Aristide qui multipliait les déclarations pour dénoncer son enlèvement par les Américains et les Français a décidé de garder le silence total depuis quelques temps.

Il faut rappeler que l'accord autorisant la DEA a procédé à l'arrestation de trafiquants de drogue sur le territoire haïtien et à les acheminer directement aux Etats-Unis a été signé par le président René Préval, le prédécesseur et ami de Jean Bertrand Aristide.

 

1 juin 2004

Générosité pour Haïti

Pour répondre à la détresse des victimes de l'innondation qui a frappé l'île d'Hispaniola (Haïti et la République dominicaine), les deux pays bénéficient de la générosité de pays amis. Dans la dépêche du 31 mai de l'AFP, nous lisons: 

"Après la France qui a donné 20.000 euros, la Belgique a annoncé lundi le déblocage de 150.000 euros pour Haïti et la République dominicaine.

La banque canadienne Scotia a également annoncé lundi un don de 100.000 dollars canadiens (73.000 USD) pour les deux pays, un montant également accordé jeudi dernier par le gouvernement canadien."

Rien ne vous frappe? Moi si.

28 mai 2004

Syndicat à l'index

Un petit texte paru dans la Rubrique En bref du numéro14 (mai-juin 2004) de Alternatives internationales vient nous rappeler l'histoire malheureuse des paysans de la plaine de Maribarou (Nord'Est d'Haïti). A la suite d'un accord signé entre le gouvernement Aristide-Neptune et le l'entreprise dominicaine Grupo M, les paysans propriétaires ces terres fertiles ont été obligé d'abandonner leurs propriétés pour la construction d'une zone franche.

 

Après les déboires des paysans, la direction de Grupo M s'en prend à la vie syndicale.

« Ouanaminthe, nord-est d'Haïti, près de la frontière dominicaine. En mars 2003, la société textile Grupo M, basée dans le pays voisin [la République dominicaine], a installé une usine dans cette zone franche créée à coups d'expulsions de paysans. Pour 16 euros par semaine, les ouvriers assemblent des jeans Levi's. C'est bien moins cher qu'en République dominicaine, où sont réalisées les finitions avant l'exportation. Grupo M a reçu un prêt de 20 millions de dollars de la Banque Mondiale. A condition de respecter les normes fondamentales du travail. Mais la direction refuse de négocier avec Batay Ouviyè [Lutte Ouvrière], un syndicat indépendant.

En mars dernier, ses membres ont été licenciés et Grupo M a fait appel à l'armée rebelle du Nord, qui a renversé Aristide, pour faire taire les protestations.

Le Réseau-Solidarité propose à tous ceux qui sont convaincus du rôle des syndicats dans l'amélioration des conditions de travail surtout dans les pays du Tiers-Monde à signer une pétition en faveur de Batay Ouvriè. »

Adresse du site : www.globenet.org/reseau-solidarite

19 mai 2004

Non assistance à nation en danger

Cent jours après le départ de Jean Bertrand Aristide et à quelques semaines de l'arrivée de la force de stabilisation des Nations Unies, la situation en Haïti reste incertaine. Quelques zones du pays, comme la région de Jacmel restent stables en dépit des difficultés économiques, mais le chaos semble être la règle générale ailleurs.

Du coup, certains observateurs se posent, avec raison, un certain nombre de questions: pourquoi avoir précipité le départ d'Aristide si c'est pour abandonner le pays à lui-même? Pourquoi avoir critiqué le blocage des fonds sous le régime d'Aristide et maintenant déclarer attendre pour voir?

le correspondant du Figaro François Hauter dans un article du 18 mai Port-au-Prince s'enfonce dans faillite résume bien la situation:

Cent jours après la crise qui a chassé Jean-Bertrand Aristide du pouvoir, Haïti reste un esquif prêt à sombrer, avec ses 8 millions de naufragés à bord, tant jusqu’à ce jour ses prétendus sauveteurs ont failli à leurs missions.Cent jours après la crise qui a chassé Jean-Bertrand Aristide du pouvoir, Haïti reste un esquif prêt à sombrer, avec ses 8 Cent jours après la crise qui a chassé Jean-Bertrand Aristide du pouvoir, Haïti reste un esquif prêt à sombrer, avec ses 8 millions de naufragés à bord, tant jusqu’à ce jour ses prétendus sauveteurs ont failli à leurs missions.millions de naufragés à bord, tant jusqu’à ce jour ses prétendus sauveteurs ont failli à leurs missions.Cent jours après la crise qui a chassé Jean-Bertrand Aristide du pouvoir, Haïti reste un esquif prêt à sombrer, avec ses 8 millions de naufragés à bord, tant jusqu’à ce jour ses prétendus sauveteurs ont failli à leurs missions.

(...)

Aujourd’hui, entre l’ignorance des réalités haïtiennes par une équipe gouvernementale largement composée d’élites émigrées depuis longtemps et la prudence de la communauté internationale qui veut savoir comment seront dépensés ses deniers avant d’accorder un sou , la situation des Haïtiens ne fait qu’empirer.

(...)

Haïti ne sortira pas de cette spirale du déclin sans que les Occidentaux fassent de vrais gestes, au lieu de se cantonner dans l’attentisme prudent.

17 mai 2004

Haïti n'existe plus

En Haïti, deux mois après le départ de Jean Bertrand Aristide du pouvoir, le pays vit encore une situation instable. L'insécurité et la violence politique liées à l'affrontement entre les partisans d'Aristide et les rebelles ont cédé la place à la violence ordinaire. Le kidnapping et les vols à main armés se multiplient à Port-au-Prince et dans quelques villes de province à la barbe de la force multinationale déployée pour préparer l'arrivée des casques bleus de l'ONU. Une partie du territoire national reste encore sous le contrôle des anciens rebelles, et les groupes armés, chimères ou rebelles, conservent leurs armes, prêts à en faire usage à la moindre occasion. Le gouvernement, avec une police traumatisée par l'expérience des derniers mois, sous équipée et réunissant à peine deux milles membres, ne peut nullement prétendre reprendre le contrôle de la situation et encore moins assurer la sécurité des vies et des biens.

La population et les institutions doivent s'adapter à la dure réalité. Les administrations et les entreprises adaptent leurs heures d'ouverture pour pouvoir faire face à l'insécurité ambiante.

Sur le plan économique, le tableau n'est guère plus gai. Les caisses de l'Etat sont quasiment vides. Le nouveau gouvernement, privé de moyens, doit reconnaître qu'il ne peut ni financer le ramassage des ordures, ni améliorer la distribution de l'électricité dans la capitale. Pendant ce temps, il multiplie les promesses. Que peut-il faire d'autre ?

Face à une situation pareille, la population ne tardera pas à manifester les signes d'impatience. Déjà, la tension grandit dans certains quartiers. Pour le moment, elle se manifeste par l'humour traditionnel. Les esprits malins expliquent le blocage par la lenteur de la tortue – jeu de mot avec le nom du premier ministre Latortue. L'intéressé s'en amuse aussi en tournant l'image à son avantage. Il rappelle que dans la fable de La Fontaine, la tortue va lentement mais elle arrive sûrement. On en rit, mais l'humour se transformera vite en colère si la situation économique et sociale continue à se détériorer.

Après la grande agitation diplomatique pour débarrasser le pays de Aristide, la communauté internationale se montre moins pressée à venir en aide à ce pays exsangue. Le Secrétaire général de l'ONU a demandé près de 50 millions de dollars pour financer l'aide d'urgence à Haïti, il n'a obtenu jusqu'à présent que 9 millions. Les bailleurs de fonds se sont réunis en Haïti, ils ont félicité le gouvernement transitoire pour son approche, mais il faudra attendre au mieux le mois de juillet pour avoir une idée des fonds dont les bailleurs seront disposés à allouer à Haïti.

Pendant combien de temps la population pourra-t-elle faire preuve de patience face à un gouvernement qui ne pourrait espérer gagner sa légitimité que par ses réalisations concrètes ?

La situation est extrêmement fragile en Haïti, mais le pays a disparu des médias. Les affrontements violents ayant pris fin, Haïti n'existe plus. Il est vrai que la situation en irak est quand même plus « vendable ».

16 mai 2004

Histoire pathétique

En 1804, une petite nation de quelques milliers de Noirs faisait irruption sur la scène internationale. Un petit groupe d'esclaves infligeait une défaite cinglante à l'armée française, la plus grande armée de l'époque. Ces esclaves rappelaient à ceux qui prétendaient avoir inventé les Droits de l'homme qu'ils n'avaient mis sur papier que les droits de "l'homme blanc". Haïti est ainsi devenue le premier pays sorti de l'enfer de l'esclavage de la colonisation.

La victoire haïtienne consacrait un chapitre sombre de l'Histoire de la France que le petit Français n'apprendra jamais dans ses manuels d'Histoire. C'est ce qui explique que Haïti est très peu connue en France, si peu connue que le président français Jacques Chirac, lors d'une visite en Guadeloupe le 10 mars 2000, déclarait avec le plus grand sérieux: "Haïti n'a pas été, à proprement parler, une colonie française, mais nous avons depuis longtemps des relations amicales...".

200 ans après, Haïti est un pays en faillite, une nation à la dérive. L'Histoire, souvent tragique, semble avoir donné raison à Mirabeau qui, constatant avec amertume la perte de la riche colonie, déclarait résigné: "laisser les cuire dans leur propre jus". Si le commissaire français Sonthonax était encore vivant, il serait peut-être heureux de constater sa prédiction : "Si tout allait de leur gré [gré des esclaves] ces ennemis du progrès moderne planteraient une Guinée arriérée au milieu de la mer des Antilles". C'était seulement une dizaine d'années avant l'indépendance.

Les Haïtiens ne semblent pas avoir tenu compte de ces propos remplis de mépris et imprégnés de racisme; ils ont même, par leurs turpitudes répétées, réalisé le rêve des colonialistes du 19ème siècle. L'année du bicentenaire de ce moment historique de l'histoire de l'humanité restera aussi celle du retour de forces étrangères en Haïti pour empêcher aux Haïtiens de s'entretuer. Elle restera aussi dans l'histoire comme l'année de la première visite d'un ministre français des affaires étrangères en Haïti, et peut-être, on ne sait jamais, l'année de la première visite d'un président français.

Cette nouvelle relation franco-haïtienne, peut-être, sera inscrite dans les manuels d'histoire français: après 200 ans d'indépendance, ils ont dû faire appel à nous pour assurer leur sécurité, nous leur avons offert un millions d'euros pour payer les salaires des fonctionnaires des ministères de l'Education et de la Santé publique.

L'histoire d'Haïti est souvent pathétique.   

15 mai 2004

Quelques pistes pour un nouveau départ

Aujourd'hui, encore une fois, Haïti se retrouve à un carrefour où l'espoir est permis. Certes, le temps de l'optimisme n'est pas encore venu, mais il est permis d'espérer avec prudence.

La tâche est encore plus difficile après des années de crises politiques qui ont ralenti ou annihilé les actions de développement. Haïti est actuellement un pays au bord de la faillite, un pays exsangue, mis à genou par des aventures politiques périlleuses, une société divisée et rongée par la maladie et la misère.

Cependant, s'il est urgent d'intervenir et d'agir, il est indispensable d'inscrire les actions dans un cadre de réflexion tenant compte des erreurs passées et de la réalité actuelle. Cette réflexion est obligatoire si nous voulons que ce pays cesse d'être un incinérateur de billets et d'énergies ou, pour reprendre les termes du rapport Debray, un « cimetière de projets ».

Haïti a par le passé bénéficié des largesses de la communauté internationale. Pour ne citer qu'un exemple, entre 1994 et 1999, Haïti a reçu environ 487 millions d'euros d'aide européenne. Le pays a toujours été une terre d'accueil d'ONG et il est aujourd'hui un des pays où il y a le plus d'ONG étrangères au mètre carré sans compter les ONG locales qui fleurissent comme des champignons.

Pourtant l'impact de cette assistance est peu visible. L'assistance à Haïti loin d'avoir conduit le pays sur le chemin du développement a contribué à forger une mentalité d'assisté qui ne peut être qu'une entrave au progrès de la société. L'idée même de « développement » a été pervertie au point que « développement » et « projet de développement » sont vus aujourd'hui comme des sources de revenu et non comme une stratégie pour changer les conditions de vie.

Les partenaires de développement ont-ils peut-être, par volonté de répondre au plus pressant, oublié de tenir compte du long terme ? Ou se sont-ils contenter de s'occuper de leur champ d'intervention sans tenir compte des interactions possibles et souhaitables entre les différents intervenants ? La liste serait longue si on voulait procéder à une identification exhaustive des écueils qui ont conduit à l'échec des actions de développement entreprises en Haïti.

Quelques pistes pour orienter les actions des partenaires du développement

La longue liste des échecs de projets de coopération en Haïti incite à la modestie. Il est très difficile de déchiffrer une société aussi complexe et il serait imprudent de prétendre posséder la clé du changement. Cependant il est possible, en tenant compte de ce qui a été fait jusqu'à présent, d'envisager des pistes pour orienter les actions nouvelles.

- « Le besoin urgent ne devrait plus faire loi »

Devant l'immensité des besoins, il est tentant de se laisser absorber par l'immédiat en répondant aux demandes urgentes de la population. Cette tentation est d'autant plus forte que les demandes de toute sorte ne tardent pas à pleuvoir dès qu'on propose un projet de coopération. Cependant si nous voulons aider ce pays à sortir du cycle du sous-développement, il est nécessaire de ne pas transformer l'urgence en politique de développement de long terme.

Cela ne veut pas dire que l'humanitaire n'a pas sa place ; au contraire, elle est plus que jamais nécessaire pour une population démunie. Mais, l'urgence ne doit pas quitter son statut d'action provisoire pour s'ériger en projet de développement. C'est malheureusement la situation qui s'est développée en Haïti, pour reprendre une image connue, les gens ne veulent plus apprendre à pêcher, ils préfèrent attendre le poisson et si possible déjà cuit. Comme le déclare avec raison le rapport Debray, « Le « besoin urgent » ne devrait plus faire loi ».

- L'Etat partenaire de développement

En Haïti, il n'y a pas un Etat prédateur dont il faudrait protéger la société, il n'y a pas un « Etat créole » qui domine une population majoritairement « bossale »; il n'y a tout simplement pas d'Etat.

Pendant longtemps, certaines organisations intervenant en Haïti ont cru bon de soutenir les populations locales dans leurs efforts de contourner l'Etat sous prétexte que cet Etat, loin d'être un appui au développement local, en était le plus grand frein. L'intention de protéger les populations locales contre l'Etat oppresseur est louable, mais une question s'impose : est-il possible d'atteindre le développement en créant ici et là des petites communautés autonomes sans une coordination nationale ?

Les partenaires de développement devraient inscrire leurs actions dans le cadre de la construction de l'Etat. Est-il souhaitable dans un pays comme Haïti d'avoir deux écoles communautaires dans un seul village alors que le village situé à 20 km et parfois plus peuplé n'en a pas ? Ces écoles ne devraient-elles pas bénéficier de l'appui et de l'inspection du Ministère de l'éducation nationale ?

Les actions de développement, si elles ne veulent pas conduire à la création de poches de prospérité et à la naissance de disparités capables de fragiliser davantage un esprit national déjà faible, devraient contribuer à la construction de l'Etat nécessaire pour prendre en compte le développement équitable et global d'Haïti.

- Coordonner les interventions des différents partenaires

Pour ces différentes raisons, il paraît plus efficace pour les différents partenaires de coordonner leurs activités d'appui au développement au Nord et en même temps d'encourager la coordination des actions sur le terrain. Il serait souhaitable que les différents partenaires apprennent à travailler ensemble, à échanger des informations sur le terrain puisque leur but commun est d'aider la population haïtienne à sortir de la pauvreté.

La coopération décentralisée est un bel exemple de la nécessité de coordination des actions des partenaires. En effet, est-il efficace de mener des actions de coopération décentralisée si dans le même temps l'Etat n'arrive pas à développer efficacement ses capacités de contrôle des activités des collectivités locales comme le prévoit par la Constitution de 1987.

L'action coordonnée des différents acteurs est plus qu'indispensable. Car les domaines d'intervention sont vastes et ne peuvent pas être couverts par un seul partenaire. Il n'y a pas une priorité qui suppose que les autres peuvent attendre. Il faut des interventions sur divers tableaux en même temps. Il n'est pas plus urgent de nourrir la population que de s'occuper de sa santé, ni plus pressent de gérer les déchets que de s'attaquer au reboisement.

- L'éducation : une action prioritaire

L'avenir d'Haïti dépendra grandement de la lutte contre l'analphabétisme et le développement d'une éducation efficace, citoyenne et créatrice du sentiment d'appartenance à une nation.

L'éducation est un facteur de développement et elle est aussi fondamentale pour inculquer la culture démocratique à la société et pour casser la tentation séculaire de domination très présente dans les esprits.

La démocratie formelle et de façade qui consiste à jeter un bulletin dans les urnes peut faire plaisir aux bailleurs de fonds internationaux ou aux pays amis d'Haïti. Mais les partenaires de développement ne doivent pas se faire d'illusions, tant que le taux d'analphabétisme sera aussi élevé, tant que la population sera d'abord préoccupée par sa survie immédiate, les élections et les bulletins de vote s'achèteront à coup de tafias, de grogs, et de t-shirts.

- Encourager l'émergence de leadership local

Les groupements communautaires se sont multipliés ces dernières années un peu partout en Haïti. Des années de privation et de misère ont permis le développement de stratégies diverses pour survivre dans la campagne hostile haïtienne. Une des stratégies consiste à créer un groupement communautaire pour bénéficier ensuite de l'appui d'une ONG internationale. Cependant parmi ces myriades de groupements plus ou moins organisés il existe des associations dignes qui se vouent au développement communautaire. Les partenaires de développement devraient travailler à appuyer et encourager l'émergence de leadership de groupe pour permettre à ces associations de mieux faire face à la réalité et exporter leurs expériences vers d'autres groupements en Haïti.

- encourager les échanges entre Haïtiens

Malgré la taille exiguë du pays, environ 27750 km2, les échanges internes sont très faibles. Il est très courant qu'un Haïtien n'ait jamais quitté son département ou sa ville.

Or, il peut être utile d'encourager les échanges entre les différents partenaires locaux, les groupements communautaires pour partager leurs différentes expériences. Ils ont beaucoup d'expériences à échanger entre eux et les leaders communautaires sont plus à même de faire passer des idées qu'ils ont expérimentés chez eux que leurs partenaires étrangers. Ils auront une plus grande légitimité aux yeux de leurs homologues haïtiens et ne seront pas perçus comme extérieurs.


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14 mai 2004

Aristide poursuit son errance

Après son court séjour en République Centrafricaine et ses deux mois de silence en Jamaïque, l'ancien président d'Haïti s'apprête à s'installer en Afrique du Sud, terre probable de son exil définitif.

 

Le communiqué du gouvernement de la République Sud Africaine a l'avantage d'arranger à la fois les amis sud-africains d'Aristide et de nourrir le rêve de l'ancien président de retourner en Haïti comme président.

En soulignant qu'il reçoit provisoirement Aristide en attendant qu'il puisse retourner en Haïti, Thabo Mbeki tente de calmer l'Alliance Nationale Démocratique qui critique l'admission de ce sulfureux personnage sur le territoire nationale. En même temps, Jean Bertrand Aristide qui bénéficie encore aujourd'hui du soutien d'un grand nombre de négrologues du Black Caucus continuera à espérer un retour en force en Haïti.

L'ancien président d'Haïti retrouvera sur le continent africain un nombre important d'amis négrologues qui prétendent défendre la démocratie en réclamant son retour en Haïti.

Hélas pour Aristide, ses amis peuvent être très difficilement pris au sérieux quand on voit l'état de la démocratie sur ce continent.

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